Un lieu chargé d'histoires...

Parmi toutes les habitations que comporte notre village, s’il en est une qui a subi beaucoup de changement d’affectation, c’est bien le café de l’Allumette. En effet, en 1844, date de sa construction, le village ne possédait pas d’école officielle, bien que les enfants du village étaient quand même scolarisés à la Colombière, rue actuelle du Général De Gaulle, qui tenait également lieu de presbytère à cette époque. Mais, le 18 juillet 1833, le ministre de l’instruction publique, François Guizot, fit voter une loi, obligeant les communes de plus de 500 habitants à ouvrir une école primaire de garçons. D’où la décision du conseil municipal de Bouvines, présidé par Jean-Baptiste Deffontaines, fermier à la cense des Molles au Melchamez, de construire cette école de garçons à Bouvines. Avec un peu de réticence pour se décider à la bâtir, il fut fait appel pour en dresser les plans à un architecte lillois qui allait avoir un grand renom dans la région, Charles César Benvignat. Pour la petite histoire, ce dernier a réalisé par la suite, la restauration de la Vieille Bourse, la colonne commémorative du siège de 1792 (la déesse), la Halle au sucre, il a réaménagé le palais Rihour, ainsi que l’école de médecine et la faculté des sciences, enfin plusieurs églises dont, entre autres, Saint Jean-Baptiste à Baisieux. L’endroit fut choisi comme bien aéré, tout en haut du village, selon les termes relevés dans les archives municipales. C’était un terrain qui avait la particularité d’être bordé de trois routes ; en effet, devant l’obélisque que nous connaissons, se trouvait un chemin, l’ancienne voie romaine, qui se situait dans l’axe du Chemin de Tournai auquel il aboutissait. Sur la photo qui illustre cette page, on voit également la chapelle de Notre Dame des Affligés, attenante au local où était remisée la pompe à bras des pompiers de Bouvines et cachée par l’obélisque, la prison du village. L’allumette fut donc la première école publique du village et le resta jusqu’en 1887. Comme les locaux étaient trop exigus pour la classe et le logement de l’instituteur, il fut décidé à cette date de bâtir une nouvelle école et une mairie.
Après la construction de la nouvelle école de garçons, ce bâtiment fut alors mis en vente et il appartint aux consorts Louis Dubar et Marie-Catherine Dernoncourt qui s’y installèrent cabaretiers sous l’enseigne «Au gai cuirassier». Cette affirmation, avec un petit doute de ma part, car le déchiffrage de l’enseigne m’a posé de gros problèmes de lecture… ! L’année suivante, en 1888, un document notarié nous révèle qu’Alphonse Deffontaines, cultivateur à la Courte, y installe en façade, une bascule publique qu’il donne en location, par bail stipulé jusqu’en 1909, pour 25 francs l’an, au tenancier Louis Dubar ; les appareils de pesage se trouvant dans l’écurie, dont on voit la porte sur la photo, surmontée de l’inscription «Bascule». Les époux Jean Dutilleul-Houzé firent par la suite, l’acquisition du cabaret. Ils le transformèrent en boulangerie, tout en restant débit de boissons. Son appellation de l’Allumette fut plus tardive, car vers 1910, le café portant cette enseigne se trouvait à la montée de l’église, tenu par Louis Martin-Cat où, est-il rapporté, furent vendues les premières allumettes de la région. Les enfants et petits-enfants des époux Dutilleul, s’y succédèrent jusqu’au départ de Jeannot Wyts. On y servait surtout de la bière au début du siècle dernier, bière que l’on buvait en pintes ou en canons qui devinrent des chopes, puis des demis et maintenant simplement une Leffe, une Jupi ou autre bière de marque déterminée… On y jouait beaucoup aux cartes et il n’était pas rare d’y voir quatre à cinq tapis le dimanche midi et bien entendu, on y fumait abondamment. Ce café bien placé sur une route de grand passage a toujours été un lieu de rencontre réputé pour sa grande convivialité. Avec l’épicerie de Georges Descamps, il est le dernier duo des commerces de notre village, qui en comptait près de quarante avec les artisans en 1910. Ils sont en 2008, les ultimes points de rencontres entre les Bouvinois. Sachons en prendre conscience…
Extrait du livre «Histoire d’un petit Bouvinois» de Monsieur Jean Lemahieu, avec l’aimable autorisation de Madame Guillon